Pourquoi les entreprises du BTP ont du mal à recruter ?
Le BTP est un métier compliqué qui nécessite beaucoup de courage, de force et de motivation. Ce métier ne demande pas de longues études mais une formation stricte en termes de sécurité au travail. Le BTP est un métier qui perdure dans le temps et qui continuera de le faire. En effet, la construction et la rénovation de bâtiments / maisons… n’est pas prête d’arrêter. Malgré un besoin toujours croissant de main d’œuvre, les entreprises du BTP ont du mal à recruter. Nous allons comprendre pourquoi et dévoiler quelques astuces pour inciter les candidats à travailler pour votre entreprise.
Problème de recrutement dans le BTP : les principales raisons.
Les experts interrogés sont unanimes : quasiment tous les métiers du bâtiment sont « pénuriques » ou « en tension ». Parmi les postes les plus fréquemment cités : les métiers de l’enveloppe du bâtiment, les maçons, les carreleurs, les charpentiers, les couvreurs, les plombiers-chauffagistes, mais aussi les conducteurs de travaux, les chefs de chantiers, les chargés d’affaires, les économistes de la construction, les thermiciens, ou encore les dessinateurs-projeteurs.
Dans un marché de l’emploi tendu, les candidats sont en position de force pour négocier leur salaire, et les entreprises du BTP prêtes à surenchérir pour capter et conserver les meilleurs éléments.
« Il n’y a clairement pas assez de candidats par rapport au nombre de postes à pourvoir, donc on a un jeu de pouvoir qui est clairement entre les mains des candidats. Un candidat, quand vous le rencontrez, c’est quand même rare qu’il n’ait pas déjà une ou deux pistes entre les mains, si ce n’est même déjà des propositions qui soient fermes, donc ce sont des gens qui ont vraiment l’embarras du choix. Le jeu de surenchère pour capter les compétences est réel », explique Mickael Paraud, expert recrutement en immobilier et BTP chez Hays, et plus de 15 ans d’expérience dans le secteur.
Malgré le contexte actuel d’inflation, cette augmentation des salaires serait plus structurelle que conjoncturelle, avec une tendance à la hausse depuis 2015-2016, après les difficultés liées à la crise de 2007-2008.
Autre constat : des prétentions salariales particulièrement élevées parmi les jeunes diplômés. « Les personnes en sortie d’études ont des prétentions salariales incroyablement hautes, puisque c’est ce qu’on leur dit de demander en sortie d’études. Naturellement, si les jeunes salariés ont des prétentions hautes, cela se retrouve aussi crescendo sur les profils un peu plus confirmés. La preuve que cela ne fonctionne pas si mal que cela, c’est qu’on a des demandes de la part des candidats qui sont de plus en plus importantes, et qui sont acceptées par les entreprises, faute de pouvoir faire autrement », poursuit Jérémy Randoing, consultant en recrutement dans le BTP chez Fed Construction.
L’équilibre vie professionnelle et personnelle, un critère devenu primordial
Outre un salaire intéressant, les candidats recherchent également de plus en plus un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Pour certain, ce critère devient même primordial.
« Pour beaucoup, les conditions de travail passent aujourd’hui en priorité. J’ai même des candidats qui me disent que leur motivation première n’est pas l’argent, mais l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Quand je parle de conditions de travail, c’est aussi bien cet équilibre, que le télétravail, le temps de transports, les déplacements, et tous les avantages – le fait d’avoir un véhicule de fonction ou non etc. », témoigne Jérémy Randoing, consultant en recrutement.
« On a de plus en plus de mal à trouver des candidats qui acceptent de faire de grands déplacements à la semaine, ou de découcher quelques jours par semaine, parce que cela ne va pas en corrélation avec leur équilibre vie pro et vie perso. Cela sous-entend de rentrer tous les soirs à la maison, et pas trop tard non plus », poursuit-il.
Il faut dire que certains métiers du BTP sont parfois extrêmement éprouvants, non seulement d’un point de vue physique, mais aussi mental, avec une charge de travail importante et beaucoup de stress.
Mickael Paraud, expert en recrutement chez Hays, prend l’exemple du conducteur de travaux : « On a des rushs qui obligent à travailler de nuit, parfois le week-end. On a des responsabilités importantes, notamment en matière de sécurité des personnes sur le chantier, et également en matière de gestion financière. Donc c’est intellectuellement et techniquement extrêmement intéressant, mais c’est vrai que ce sont des métiers qui parfois sont pesants pour un certain nombre de candidats », constate-t-il.
« Les conducteurs de travaux sont nombreux à être débordés, à faire plus de 50 heures par semaine, avec des tâches qui s’effectuent en quasi-totalité dans l’urgence, et une charge mentale de travail qui est vraiment considérable », abonde Pascal Girardot, spécialiste en prévention de l’usure professionnelle au sein de l’OPPBTP. Et de poursuivre : « Les compagnons sont aussi concernés par cela, quand la question du sens du travail vient s’ajouter à la charge physique, par exemple dans les nombreux épisodes de « faire et défaire », où l’on doit démolir quelque chose qu’on vient de fabriquer parce que la consigne ou le plan n’a pas été bien pensé au départ ».
Il note par ailleurs une « intensification du travail » ces dernières années, avec des délais parfois extrêmement serrés et pas toujours justifiés. « S’être engagé sur le chantier de réfection de Notre-Dame de Paris en 5 ans avant de savoir ce qu’il y aurait à faire, par exemple, c’est une décision politique, et la technique devra suivre – sauf que cela a forcément un impact sur les conditions de travail des gens. Je pense aussi à tous les ouvrages des Jeux Olympiques de Paris 2024 », illustre-t-il.
Investir dans la prévention
Afin de redorer l’image des métiers du BTP et réduire la pénibilité, les entreprises peuvent mettre l’accent sur les nouvelles technologies, que ce soit les exosquelettes, les robots, ou la réalité augmentée.
« La digitalisation du chantier est extrêmement importante et nécessaire, que ce soit au niveau des EPI connectés, qui permettent d’éviter les accidents, de définir des zones d’intervention qui sont sécurisées par rapport à des engins, qui permettent d’identifier la chute d’un travailleur isolé, ou de réduire la pénibilité par rapport à du port de charges lourdes. Je pense notamment à l’exosquelette, qui permet de cibler des métiers en particulier, comme les plaquistes, les carreleurs, ou les peintres, avec des robots-peintres. Cela permet d’accompagner les compagnons sur des tâches répétitives, et qui peuvent être déchargées sur des automates. Il y a aussi des brouettes électriques, qui évitent des lumbagos, et des problématiques de santé liées à des ports de charges lourdes », énumère Franck Le Nuellec, directeur marketing, développement et innovation stratégique au sein du CCCA-BTP.
Mais encore faut-il que les entreprises aient les moyens financiers pour investir dans de telles technologies. À une moindre échelle, l’OPPBTP appelle donc les dirigeants d’entreprise à accélérer sur la prévention.
« En quoi la prévention peut-elle être un facteur d’attractivité ? Nous, on en est convaincus depuis longtemps. Les entreprises ne l’étaient pas forcément, mais elles le deviennent, compte tenu de cette priorité stratégique nouvelle », observe Pascal Girardot, de l’OPPBTP.
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